« Qu’est-ce que les mots modifient dans notre manière de nous représenter le problème ? » , se demande Franck Lepage dans sa vidéo saisissante sur la langue de bois.
Le langage positif nous empêche de penser la contradiction, nous dit-il. En effet, comment être contre le bien-être animal par exemple ? Le roman de George Orwell 1984, en inventant la « novlangue », parle exactement de cette entreprise de manipulation de la langue à des fins d’anéantissement de la pensée critique.
« QUAND LES HOMMES NE PEUVENT PLUS CHANGER LES CHOSES, ALORS ILS CHANGENT LES MOTS » – JEAN JAURÈS
Si l’on remplaçait bien-être par souffrance animale (ce qui semble être plus correct d’un point de vue factuel), percevrions-nous autrement la condition animale ? Achèterions-nous vraiment ce poulet noté A sur l’échelle de la « souffrance animale » ? Quel serait notre rapport au monde animal ?
La philosophe Florence Burgat de souligner sur la question de l’élevage intensif : « Tout semble devenir éthique. On aurait changé, en opérant de la même façon, avec les mêmes personnes, aux mêmes endroits. Se demande-t-on seulement comment cette transformation est possible ? »
Ce ne sont pas des changements dans les pratiques, mais des procédés rhétoriques bien connus qui sont à l’œuvre pour banaliser la souffrance animale et créer une fausse perception de la réalité pour la rendre acceptable. Euphémisation, déshumanisation, chosification…voici quelques exemples qui désignent par deux mots différents la même chose en fonction de l’humain ou de l’animal :
Humain | Animal | |
Mutilation | Soin | Pour désigner la castration à vif par exemple |
Meurtre | Prélèvement | On parle de prélèvement de gibier à la chasse. |
Cadavre | Viande | On parle aussi de carcasses ou de tonnes équivalent carcasse |
Arme | Outil | Pour désigner l’objet de mise à mort |
Victime | RIEN | Pas d’équivalent pour les animaux, comme pour féminicide ou infanticide. |
Individus | Stocks | Pour les poissons, on parle aussi de ressources halieutiques |
Mais l’exemple le plus frappant est sans doute le mot généraliste “bête” désignant à la fois la stupidité et l’animal. Ainsi, nous refusons aux animaux le droit au visage, aux mains, à l’accouchement, à la grossesse, à la voix… Tout comme notre lexique ne permet souvent pas de distinguer le sexe des individus pour bon nombre d’espèces (écureuil, marmotte ou loutre peuvent désigner autant des individus mâles que femelles).
En refusant d’utiliser des mots communs pour les animaux, l’individu valide inconsciemment la supériorité de l’espèce humaine dans son psychisme, alimentant une forme passive de spécisme.
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